La Mercedes « Marseille 2013 » va rouler jusqu’à Bakou
Il y a ces artistes qui parlent, débattent, théorisent. Puis quittent le salon, rassasiés. Marc Boucherot, activiste borderline et casse-cou, ne croit qu’à l’action. Son credo ? « La culture est une alternative à la bêtise ». Qu’il combat à sa manière d’affranchi, en multipliant les coups d’éclats festifs, en prise directe avec son public. Au point de devenir un sujet d’étude pour les critiques d’art et les sociologues, pas dupes du sens profond de ses happenings.
Les plus anciens se rappellent de son attaque, façon Far West, du petit train touristique du Panier. Une production intitulée « On n’est pas des Gobis » motivée par « un processus de folklorisation » de la misère, qui conduisait certains guides d’alors (1994) à vendre du frisson aux touristes en les mettant en garde contre « les voleurs de sacs ». L’épisode fera l’ouverture du 20 heures de TF1. D’autres conservent précieusement le souvenir de 200 minots en train de repeindre Belsunce en rose au balai, sous sa direction, pour clamer leur attachement à ce quartier stigmatisé. Depuis, cet ancien des Beaux-arts a trimballé son célèbre triporteur (une baraque ambulante classée par le Fonds régional d’art contemporain) au quatre coins du globe. Il s’est infiltré parmi des clandestins mexicains le long de la frontière avec les États-Unis. Il a tracé sa route jusqu’à Guantanamo. Il s’est fondu dans le quotidien d’une famille libanaise sous les bombardements. Il a exposé à Paris. Il a été invité à la biennale de La Havane, à la triennale de Canton…
Bonne nouvelle : un épisode inédit de la saga Boucherot est dans les tuyaux. Le tournage commencera le 1er août prochain, au départ du restaurant-galerie de la Capelette, « Chez Nono »… L’idée ? « Quand on a la prétention d’être capitale européenne de la culture, lâche-t-il, c’est bien d’aller d’abord à la rencontre des cultures que l’on va recevoir. Et à l’heure où on s’interroge sur l’adoption de la Turquie, poursuit-il, j’avais envie d’aller plus loin. Pour moi, l’Europe culturelle, celle des hommes, pas celle du fric, elle va jusqu’en Azerbaïdjan… ». Le pitch ? « Une épopée entre ’Les fous du volants’ et ’Le tour du monde en 80 jours’… On va parcourir 10 000 kilomètres en un mois et demi entre Marseille et Bakou, en passant par Tbilissi, Erevan, Odessa, Mossoul, Istanbul, Skopje… » Le tout, sans savoir, « où on va dormir ni comment à va passer certaines frontières. Mais c’est l’intérêt du voyage. La rencontre, l’inconnu ».
Il y a plus tordant encore. Le véhicule dans lequel Marc Boucherot et sa copilote, Nadia Ali, doctorante en art islamique, vont faire la route : une Mercedes customisée au look criard, qui n’est autre que la voiture officielle de la candidature de Marseille 2013. Elle qui avait été présentée sur la pelouse du Vélodrome, en 2008. Elle qui avait déjà servi pour un premier périple, jusqu’à Gdansk, en Pologne. « Cette voiture, enchaîne Marc Boucherot, c’est un objet d’art ambulant. Avec,tu ne peux pas passer inaperçu. C’est une façon d’aller vers l’autre en en faisant trop. Du coup, ça provoque l’échange. On va pouvoir être des ambassadeurs de notre ville, l’authentique, la populaire ». Autre originalité, le financement : « On a eu l’aide d’amis, comme les Winners mais la majorité va être payée par la vente de 300 figurines fabriquée par Quadrissimo. Les acheteurs recevront un mail chaque fois que nous passerons une frontière… C’est un peu comme Pekin Express, mais en vrai ». Dans une version libre, hors sentiers, à fond la caisse.