MARC BOUCHEROT

La création artistique de Marc Boucherot demande de se positionner comme citoyen.

L’artiste propose de rendre compte de la sociĂ©tĂ©, mais surtout d’y trouver ses propres modalitĂ©s de rĂ©action. Si certaines actions artistiques ont eut un retentissement dans les mĂ©dias (l’attaque du petit train touristique dans le quartier du Panier Ă  Marseille qui ripostait face Ă  un comportement insultant de visiteurs de zoo, le record du monde de trottinette sur une rue de transit entre le centre ville commerçant et un quartier populaire, l’expositions de sigles de marques de vĂȘtements dans les HLM de Montpellier), c’est qu’elles impliquent la notion de risque, de turbulence, non pas d’affrontement, mais de confrontation.

Le principe artistique utilisĂ© est celui du dĂ©placement des objets, voire des personnes, qui va rendre possible un questionnement entre l’Ɠuvre et son rapport Ă  la sociĂ©tĂ©. Cette dĂ©localisation va prendre forme Ă  partir de ce que Boucherot appelle l’économie parallĂšle. Il prend particuliĂšrement exemple de ces micro-systĂšmes d’AmĂ©rique du Sud, oĂč les gens survivent en construisant des baracas, en inventant un village dans et avec les matĂ©riaux d’une dĂ©charge… et c’est de cela dont Marc Boucherot veut faire Ă©tat et nous donner comme matiĂšre Ă  rĂ©agir. Il en rĂ©sulte une sĂ©rie d’objets nĂ©cessairement modifiĂ©s pour s’adapter Ă  la rĂ©alitĂ© mĂ©diatique de leur nouveau contexte, et les baracas de Marc Boucherot servent aux jeunes pour diverses manifestations allant de la fĂȘte de quartier jusqu’à la revendication d’une identitĂ©.

L’Ɠuvre d’art s’inscrivant, pour Marc Boucherot, dans le quotidien, il ne reste que peu de traces de ses actions. C’est pourquoi il apparaĂźt important dĂ©sormais d’en rendre compte. En rĂ©alisant une exposition il s’agit de prĂ©senter un archivage de la globalitĂ© de ces Ă©vĂšnements. Le visiteur participant dĂ©couvrira documentaires, photographies et objets Ă  rĂ©action, qui lui permettront de s’investir dans sa propre histoire pour y dĂ©clencher sa propre analyse critique du systĂšme de rĂ©fĂ©rence. Il a semblĂ© important Ă  l’équipe du Frac Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur, selon le fonctionnement de Marc Boucherot, de ne pas se limiter Ă  une exposition rĂ©trospective, mais de rĂ©aliser un Ă©vĂ©nement en trois volets : exposition – publication – action.

La deuxiĂšme partie s’axera donc sur l’édition d’un catalogue principalement de visuels montrant les diverses actions et documentaires de Marc Boucherot, venant complĂ©ter l’exposition et faire trace de l’activitĂ© de l’artiste. Le choix de l’édition qui prendra en charge la fabrication de cet ouvrage a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© aux Ă©ditions Jean-Michel Place et notamment pour la collection ” in visu / in situ “, collection de monographies d’artistes nomades, qui nous apparaĂźt comme pertinente et absolument adaptĂ©e Ă  l’esprit Boucherot.

Pour rĂ©aliser ces trois Ă©tapes de maniĂšre cohĂ©rente, un lieu s’impose d’évidence. Un lieu qui puisse ĂȘtre d’une part diffuseur d’art contemporain et dans lequel une intervention de Marc Boucherot puisse prendre sens. Le centre social du ChĂąteau de ServiĂšres, au cƓur des quartiers nord de Marseille, est dans cette situation. Son activitĂ© est principalement liĂ©e Ă  l’échange des multiples cultures qui se cĂŽtoient dans les deux citĂ©s qui l’entourent. Celle-ci est organisĂ©e autour d’un club de troisiĂšme Ăąge, d’un centre aĂ©rĂ©, d’un secteur jeunesse et d’un pĂŽle culturel avec des salles d’exposition d’art contemporain et une bibliothĂšque. La difficultĂ© pour ce centre est d’établir une passerelle entre les jeunes adultes, qui dans ce quartier sont en perte de culture. D’un cĂŽtĂ© Bassens, une citĂ© oĂč cohabitent difficilement des gitans, diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations d’algĂ©riens, de comoriens et de castors – premiers habitants du quartier et qui ont eux-mĂȘmes fondĂ© le centre social. De l’autre, la citĂ© des Tilleuls, communautĂ© harki. Ce tissu riche de cultures diffĂ©rentes amĂšne bien souvent fracture et incomprĂ©hension, auxquels s’ajoutent des problĂšmes identitaires engendrĂ©s par les mesures actuelles de rĂ©habilitation du secteur.

C’est sur ce point que la troisiĂšme partie de l’évĂ©nement – que souhaitent mettre en place Marc Boucherot, le Frac PACA et le ChĂąteau de ServiĂšres – prendra son impulsion. Il est essentiel de tenter de provoquer la rencontre des habitants du quartier autour d’une action commune, dans laquelle l’artiste pourrait Ă©galement se composer comme acteur social.